Les rêves ensablés d'une Mère Noël égarée ∣ Sawyer

Je reste assise là, sur ce fauteuil, contre la fenêtre, une tasse de chocolat chaud dans les mains. Mon regard dérive sur l'horizon alors que je me demande si Scott est là quelque part. Est-ce-qu'il est maudit ? Est-ce-qu'il se souvient ? Et les autres Légendes ? Sont-ils ici aussi ? Et mes enfants ? Je pousse un soupir. Portant la tasse à mes lèvres, j'en bois une profonde gorgée et profite de la chaleur de la boisson qui se répand dans chaque parcelle de mon organisme. Je ferme les yeux quelques instants et imagine. Mes retrouvailles avec Scott, mes enfants, je nous voie reprendre notre vie là où on l'a laissé malgré que nous soyons désormais loin du Pôle Nord. Je nous vois vivre comme des humains ordinaires tout en ne l'étant pas.

C'est une des rares soirées où j'ai du mal à trouver le sommeil, donc je reste là, songeuse. Posant la tasse sur la petite table à côté de moi, j'observe l'horizon et perçoit des reflets dorés qui me paraissent pas inconnus. En cette heure de la soirée, soit je suis vraiment fatiguée, soit il s'agit bel et bien du travail en cours de Marchand de Sable. Décidant d'en avoir le coeur net, j'enfile un gilet par dessus ma tenue de soir qui n'est rien de plus qu'un jogging gris, un pull beige et une paire de chaussettes. Mes chaussures au pied, j'attrape mon manteau, mes clés et mon portable que je glisse dans la poche de ma veste et quitte ma maison avant de me rendre jusqu'au quartier Nord.

Plus mes pas avançaient, plus je percevais les figures sablées du Marchand de Sable, je ne devais pas me tromper. Il était sûrement ici et peut être qu'il pourrait m'aider à trouver les autres et surtout mon époux. Oh oui, Scott si tu savais à quel point tu me manques. Cependant, lorsque j'arrive sur les lieux, je me rends rapidement compte que ce n'est pas le Marchand de Sable. Tout du moins, pas celui que j'ai côtoyé pendant une bonne partie de ma vie. Néanmoins, je ne pouvais pas repartir comme ça. Non. Je ne pouvais tout simplement pas et puis dans un sens, j'appréciais beaucoup le spectacle que donnait un tel travail.

Un léger sourire prend même naissance sur mes lèvres alors que mon regard croise le sien et qu'il semble remarquer : et ma présence et également le fait que je perçois les rêves qu'il est en train de créer à l'aide de son sable. Un pas en arrière, je lui offre un sourire. Oui, c'était officiel, je ne pouvais pas repartir, tout du moins pas comme ça.

La routine nocturne de Sab dans ce monde n'avait rien de ces routines ennuyantes. L'habitude, la même que chaque soir, était ce qui le rendait heureux. Malheureusement, son influence était beaucoup moins puissante que dans l'univers qu'il a perdu où il s'occupait des nuits de la Terre entière, mais le faire à son échelle dans cette ville qu'il savait provisoire en attendant le retour du Multivers le satisfaisait assez. Et puis il était chanceux de savoir que tous ses amis se trouvaient ici. Sawyer avait compris que ce n'était pas le cas de tout le monde. Une infinité d'univers disparus voulaient aussi dire une infinité de proches disparus puisqu'il n'y avait définitivement pas tout le Multivers qui avait survécu à Baiame. Sa chance avait été d'identifier les gardiens à Baiame même ceux qui souffraient encore de la malédiction par laquelle il était également passé.

Mais cette routine aurait également de bénéfique de l'avertir du réveil des gardiens encore maudits. Il était le seul à pouvoir voir le sable des rêves, exception faite des Gardiens. Il saurait que lorsque ceux-ci pourront le voir à nouveau et le localiser, alors ça voudrait dire qu'ils ne sont enfin plus maudit, avant quoi ils seraient encore incapable de voir sa magie.

Alors, perché dans le ciel sur son nuage de sable lumineux, à tisser les fils des rêves des clients de son motel, il appréciait la poésie des songes paisibles des endormis, mais également l'espoir que la lumière dorée de son sable représentait : l'appel des autres Gardiens le moment venu.

Cependant, il ne s'attendait pas à ressentir une présence qu'il n'identifiait pas. Sawyer n'avait pas oublié que les Gardiens ne seraient pas les seuls à pouvoir voir sa magie : ses ennemis, les Cauchemars, pouvaient le faire aussi et c'était déjà arrivé une fois avec ce Théodore. Alors il restait à l'affut même s'il ne s'attendait jamais au pire, préférant garder espoir.

Lorsqu'il baissa ainsi les yeux vers cette femme qu'il ne connaissait pas mais qui pouvait de toutes évidences observer les fils de ses rêves, Sab adopta sa mine méfiante et offensive aussitot. Il s'était toujours battu pour la santé de ses rêves et il ne laisserait pas les Cauchemars le submerger une deuxième fois dans sa vie.

Il descendit alors à toute vitesse, avant de s'arreter, toujours en suspension dans les airs, deux mètres au dessus de l'inconnue. Puis il matérialisa un fouet de sable qu'il lança vers elle, l'attrapant alors par la taille, les bras capturés également le long du corps.

De l'autre main, Sawyer pointa du doigt la femme, alors qu'un point d'interrogation se dessina dans le sable, lui demandant ainsi de s'identifier, elle et la raison de sa présence.

Au départ, lorsque j’ai quitté ce cocon douillet que je m’étais crée au fil du temps, c’était pour vérifier mes suppositions. Si Marchand de Sable était ici, j’avais l’infime espoir qu’il en soit de même pour Scott, les autres Légendes et peut être mes enfants. Être une mère sans ses enfants, c’est quelque chose de difficile à vivre, chaque jour durant, je ne cesse de penser à eux et d’espérer qu’un matin, ils soient là, Scott, mon fils Buddy et notre Sandra adorée. 

Mais rien. Toujours rien. J’avais eu cet infime espoir en voyant ces rêves. Du sable de rêve. Je ne connaissais que Marchand de Sable pour réaliser de tels exploits mais je m’étais trompée. Tout du moins, ce n’était pas le mien, celui de mon univers. C’est lorsque je me retrouve retenue à la taille par un fouet de sable, les bras le long du corps que je finis par comprendre qu’il allait avoir besoin de réponses. 

Oh ? Muet donc. C’est une chose à noter de différente avec celui que je connais qui lui possède la parole mais néanmoins, nous ferons avec. Me pinçant les lèvres, je finis par reprendre la parole. 

« Je m’appelle Carol Calvin-Claus, je suis la Mère Noël » me présentais-je « enfin ici mon nom c’est Carol Newman Calvin mais ça ne change rien au fait que je suis la Mère Noël, l’épouse de Scott Calvin, alias Santa Claus, ce qui explique que je puisse voir vos exploits. » ajoutais alors.

Sawyer était stupéfait. Il connaissait très bien le Père Noël, bien sûr puisqu'il s'agissait de l'un de ses meilleurs amis, mais jamais il n'avait entendu qu'il avait une femme. L'imaginer marié amusa d'ailleurs Sawyer même s'il était certain qu'il aurait fait un bon mari et un père formidable. Son pouvoir de perception lui disait cependant qu'elle ne mentait pas, mais cela ne faisait que rendre la situation encore plus étrange. Il n'avait jamais rencontré personne comme elle, une personne capable de voir sa magie sans être un Gardien. Mais Sawyer, en personnage de légende, savait que parmi celles qui se racontaient même dans son monde, les enfants imaginaient une Mère Noël au Père Noël.

Un mélange de curiosité et de bienveillance envahit Sawyer alors qu'il réalisait que cette femme venait d'un autre univers, tout comme lui et les autres habitants de Baiame. Il existait donc une réalité où le Père Noel était assez chanceux pour trouver l'amour ! Il relâcha doucement son emprise sur elle, la laissant se libérer de ses liens de sable. Avec des gestes fluides, il dessina dans l'air avec son sable, exprimant sa reconnaissance pour sa présence inattendue.

Il se sentait désolé d'avoir réagi avec autant de méfiance, mais la protection des rêves était sa priorité absolue. Il lui fallait désormais comprendre pourquoi elle était là et comment elle avait trouvé son chemin jusqu'à lui. En effet, Sawyer avait bel et bien été surpris par Carol, mais il avait bien vu qu'elle aussi avait été surpris de voir que le Marchand de Sable avait ce visage et cette attitude. S'attendait-elle à quelqu'un d'autre ? Avec des gestes doux et apaisants, il lui fit signe de le suivre, l'invitant à entrer dans son motel pour discuter en toute tranquillité.

À l'intérieur, Sawyer continua de communiquer avec elle à travers son langage de sable, lui posant des questions muettes sur son univers d'origine, sur son lien avec les Gardiens et sur la raison de sa venue jusqu'à lui. Il était fasciné par cette rencontre imprévue, reconnaissant pour l'opportunité de découvrir une nouvelle facette de ce vaste multivers.