JT 20h - Samedi 13 avril

Eleanor se pense intelligente, mais Caleb n'est pas dupe. Il sait très bien que depuis son coup de la dernière fois, la blonde cherche par tous les moyens à lui rendre la pareille. Un brin paranoïaque, il se méfie de tout et de tout le monde, ne faisant même plus confiance à sa propre loge. Mais cela en valait la peine. Ça le vaut toujours lorsqu'il s'agit de taper sur le système de sa collègue et rivale du journal télévisé.

Lorsqu'il arrive ce soir là, sa coiffeuse Linda est déjà en train de tout préparer. Il l'arrête dans son geste, jetant à la poubelle le flacon de shampooing qu'elle tient à la main. Il a un mauvais pressentiment. Après le coup du pantalon qui craque et de la boisson au magnésium, il reste sur ses gardes. Linda le regarde, à la fois choquée et blasée, bien trop accoutumée à la guerre de plateau que se livrent les deux présentateurs. De son sac, il s'empare d'un autre shampooing. Il sait au moins que cette bouteille là ne possède pas les empreintes toxiques d'Eleanor.

Shampooing fait sans issue capillaire à déclarer, Caleb s'empare de sa bouteille d'eau dans un moment d'inattention, et recrache le tout sur un pauvre technicien. Bien sûr, Eleanor a prévu le coup, et a piégé deux de ses bouteilles. Sans même s'excuser, il peste entre ses dents, maudissant le jour où les parents d'une certaine blonde ont décidé d'avoir des enfants. Jetant un regard suspect à son sandwich, il décide de ne pas tenter le diable. Il le donnera à quelqu'un d'autre plus tard.

Dix minutes avant la diffusion du journal, Caleb croise justement sa très chère collègue. Merci pour le sandwich au cafard, au fait. Je ne l'ai pas mangé, je l'ai donné à Matt de la régie en lui disant qu'il venait de toi. J'espère qu'il ne t'en tiendra pas rigueur.  Il fait la mine d'être faussement concernée pour son sort alors qu'intérieurement, il jubile.

On l'appelle à l'antenne.

Il s'éloigne d'une Eleanor qui fulmine, le sourire colgate toujours sur les lèvres.

*Générique*

Mesdames, messieurs, bonsoir. Nous sommes actuellement le 13 avril, et à la une de ce journal ce soir, la Prison de Baiame connait une série de libérations depuis quelques semaines qui devraient se poursuivre. Des psychologues pénitentiaires sont dépêchés pour évaluer le portrait psychologique de ceux qui se clament innocents et qui seraient victimes de faux procès réalisés il y a quelques années. Nombreux de ces détenus libérés sortent d'ailleurs avec une identité différente que celle sous laquelle ils ont été incarcérés qui avait été apparemment faussée à l'époque.

Caleb lui même ne peut s'empêcher de hausser un sourcil dubitatif devant une telle information, alors qu'un reportage à ce sujet est diffusé. Si même les forces de l'ordre se permettent des erreurs de jugement et se trompent d'identité... Et après, c'est lui qu'on accuse de mal faire son travail, quel culot !

Une descente de police a été exécutée au Blodreina, boîte de nuit du centre-ville, pour usage et vente de substances illicites, durant la nuit du 6 au 7 avril dernier. L'enquête a innocenté l'établissement qui ignorait tout de l'opération, mais la police scientifique a encore du mal à déterminer la nature de la substance qui a été interceptée, dont les effets seraient encore inconnus. Les suspects sont encore interrogés à ce jour alors que l'enquête se poursuit.

Voilà pourquoi Caleb ne fréquente jamais ce genre d'endroits. Alors qu'il remet ses notes en ordre, il entend Eleanor hurler. Ah, elle a donc trouvé l'énorme clown grandeur nature en plein dans le placard de sa loge. Il ne peut empêcher un rire diabolique de sortir de ses lèvres.

Il se reprend juste à temps pour la suite des informations.

Les gardes forestiers ont partagé leur étonnement quant à la fréquentation grandissante de la forêt qui est pourtant généralement évitée. Ils théorisent une curiosité grandissante depuis l'explosion de la montagne il y a deux mois et l'apparition de l'animal volant non identifié. Si l'ascension de la montagne est déconseillée, les habitants de la banlieue sud espère que ces fréquentations fassent davantage de lumière sur les besoins de cette région en difficulté.

Alors que le reportage est diffusé, Caleb se demande même pourquoi des gens daigneraient mettre les pieds dans un endroit pareil. Entre la forêt dense, la montagne explosive, la drôle de bestiole volante, sans parler des autres animaux non identifiées au sein des bois, il n'est pas étonnant que cette zone soit restée non fréquentée pendant des années.  

Dans un même temps, un surprenant micro-climat plane autour des temples greco-romains du quartier mythologique de la banlieue est. En effet, un temps pluvieux et orageux semble se maintenir dans la zone malgré la météo différente sur le reste de la côte. Les experts météorologues étudient encore le phénomène mais assurent qu'il s'agit là d'un phénomène naturel pour démentir les propos religieux qui tournent sur les réseaux sociaux.

Nouveau reportage, montrant plusieurs vidéos amateurs prises de drônes sur les différentes irrégularités météorologiques des zones en question.  

Le Daily Planet, journal de l'île nommé en référence au célèbre journal de DC Comics, s'est vu mettre un avertissement concernant le copyright de leur nomination qu'ils n'ont pas respecté. Cependant, la société de DC Comics, basée aux Etats-Unis, n'ayant jamais porté plainte, ignorant sans doute l'existence du journal de l'île, le Daily Planet n'aurait pas eu à changer de nom à ce jour.

Si Caleb admire les journalistes qui y travaillent, il n'a toujours pas accepté leur refus de l'employer, plusieurs années en arrière. Une aubaine, en quelque sorte, vu qu'il travaille désormais au journal télévisé, et est sans doute dix fois mieux payé que les plus éminents de leurs rédacteurs. Même s'il doit se coltiner Eleanor tous les jours.

Ceci la marque la fin de notre journal télévisée. Tout de suite, la météo pour les prochains jours, suivi de votre film du soir : "Pirates des Caraïbes !".

3...2...1, on balance le générique de fin.

Et alors qu'il s'apprête à quitter le plateau, une des roues de sa chaise s'emballe avant de se dévisser, réduisant la pression sur la structure de la chaise, et envoyant Caleb s'écrouler au sol. Au loin, il peut entendre Eleanor ricaner.

Quelle peste !

Elle ne perd vraiment rien pour attendre.