Trois jours à l'infirmerie et des ailes de squelette | Solangelo ♥

Terre 8669, après la victoire contre Gaïa

Nico était un monstre. Ce qui n'était pas nouveau, ni comme vérité ni comme réalisation. C'était le prince des ombres, il passait le plus clair de son temps avec des zombies invoqués par des offrances de Mcdonald's, plus qu'avec les vivants, il pouvait s'effacer dans les ombres et hier, il avait causé la mort d'Octave. Ou du moins, il l'avait laissé courir à sa perte, sciemment. Sous les yeux de Will Solace.

Il ne savait pas vraiment pourquoi ça le dérangeait tant que Will Solace réalise enfin à quel point il était horrible, probablement parce que ça ne le creusait que dans ces mêmes retranchements dans lesquels il a toujours été. C'est pourquoi il l'avait évité, quand toute la Colonie soignait ses blessés, réparait ses bungalows, et célébrait la victoire. Il n'avait pas forcément envie de croiser son regard dégouté, plein de jugement. Parce que quand bien même l'idée qu'il avait déjà de lui même était déjà mauvaise, ce n'était pas agréable que quelqu'un d'autre pose ce regard sur lui, et l'idée que ce soit Will aussi, sans doute parce qu'il ne le connaissait pas depuis longtemps, sans doute parce que ça rendrait la chose encore plus douloureuse.

Et pourtant, les reproches que lui avait adressé Will quand ils se sont revus ensuite avaient eu de quoi surprendre Nico : Will était contrarié que Nico n'ait pas offert de l'aider, et plus encore, contrarié qu'il l'ait évité, justement, plutôt que de passer du temps ensemble. Will Solace était contrarié que Nico l'air évité ? Il n'arrivait absolument pas à comprendre pourquoi Will puisse être ne serait-ce qu'un peu gêné de ne pas avoir passé du temps avec lui, Nico, l'ombre qui devait encore aujourd'hui s'ancrer à la réalité pour ne pas s'y perdre, dans les ombres.

Will lui avait donné ses ordres de médecin, Nico ne devrait plus utiliser le vol d'ombre pour son propre bien après le trajet qu'il a fait avec Reyna, Gleeson et l'Athéna Parthénos qui avait manqué de l'effacer définitivement. Puis, pour son bien et certainement pour se faire pardonner pour l'avoir évité, il ordonna à Nico de rester avec lui trois jours à l'infirmerie.

Trois jours avec lui.

Nico s'était sentit pousser des ailes de squelette dans le dos.

Il ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire à l'infirmerie. Nico incarnait la mort, quand Will incarnait la vie. Nico incarnait les ombres, quand Will incarnait le soleil. Pourtant, même si le soleil était trop agressif pour sa peau d'albâtre, Nico ne semblait pas dérangé à l'idée que Will l'emmêne sous le soleil de la Colonie pour l'aider : Nico trouverait toujours l'ombre d'un arbre.

Et alors que Nico s'asseyait sous l'ombre de cet arbre devant l'infirmerie pour aider Will à tisser les bandages, il se demandait justement si Will n'avait pas fait exprès de la trouver, cette ombre à l'abri du soleil. Il était concentré sur cette tâche étrange, dans cette atmosphère particulière qu'il n'arrivait pas à comprendre mais qui n'était pas pour lui déplaire, étrangement. Mais, du coin d'un oeil discret, Nico essayait d'observer l'étrange garçon qu'était Will Solace comme pour le décrypter, lui et ses intentions.

Will était une énigme. De celles qui intriguaient, et qu'on voulait résoudre. C'était sans doute pour ça qu'il captivait tant Nico à cet instant. Pour tresser des bandages, le fils d'Hadès n'était absolument pas doué, et faisait un job assez médiocre bien qu'il essayait sincèrement. Mais, étrangement, il avait l'impression que ce ne serait pas grave. Will était largement capable d'en faire assez lui-même avec ses étonnants doigts habiles, et la tache semblait tenir davantage de l'excuse pour veiller sur lui que du réel besoin d'aide. Une telle machination aurait agacé Nico en temps normal qui ne se serait pas laissé faire, mais Will semblait asseoir une étrange force sur lui : captivant, oui, Will l'était, et Nico était profondémment intrigué quant à déchiffrer le fils d'Apollon.

Il n'aimait pas réellement ce trouble dans lequel il se sentait, indéchiffrable, à cet instant, mais il voulait comprendre la teneur de la situation plutôt que de le fuir. Par ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles il n'était pas très bon était (en plus du fait qu'il était simplement nul avec les bandages) l'attention du prince des ombres davantage fixé sur le fils du soleil. La colère qu'il avait exprimée à Nico quant à son absence l'avait déjà désarçonné, et la soudaine paix qu'il affichait en chantonnant avait de quoi surprendre davantage. Pour le reste, Nico se sentait bien, malgré un soleil qui lui était quelque peu agressif, lui qui était habitué aux ombres et à la fraicheur des souterrains.

Etait-ce l'un des chants magiques dont étaient doués les enfants d'Apollon ? Il n'arrivait pas vraiment à savoir, mais la voix de Will inondait toutes les pensées de Nico dans son attitude intriguée, et elle non plus n'était absolument pas pour lui déplaire. Il n'avait toujours rien dit, tant par sa discrétion habituelle que par le trouble qui l'animait mais surtout emportée par la mélodie de sa voix qui semblait le rendre plus léger, comme si elle encourageait ses petites ailes de squelette à battre.

Si bien que lorsqu'il s'arrêta pour lui parler, Nico en aurait presque sursauté, comme si on l'avait enlevé à un nuage. Il se mit à rougir en voyant que Will l'observait, mais comprit que c'était bien caché par sa peau si blanche qui prenait déjà des couleurs sous le coup de chaud du soleil auquel il n'était pas habitué. Alors, soudainement seul, il réalisa qu'il ne se sentait pas mieux comme ça. Lui qui pourtant avait toujours courru derrière la solitude comme sa meilleure amie, sa meilleure protection, se retrouver assis dans une certes courte solitude imposée par Will le temps de sa soudaine mission n'était pas particulièrement agréable.

Nico s'était surpris à aimer cette compagnie presque imposée.

Il cligna des yeux sous la surprise, ou plutôt sous le choc, en regardant la bouteille d'eau qu'il lui avait tendu après être revenu en courant, l'un de ses pieds nus dans sa précipitation. Tu viens vraiment de courir juste pour m'apporter une bouteille d'eau ? Demanda-t-il définitivement surpris cette fois.

Il ne demandait jamais de l'aide, et était généralement dérangé à cette idée, mais celle-ci l'avait étonnament touché. C'était bête, mais la spontanéité de Will, et son attention envers lui, avait été touchante. Personne ne s'était mis à courir pour quelque chose d'aussi futile. Il était arrivé dans cette époque avec comme première rencontre une déesse de la chasse qui lui avait fait comprendre qu'il était digne d'être abandonné même par les membres de sa famille : il partait bien loin d'un garçon qui se mettrait à courir pour lui apporter de l'eau.

Merci, dit-il en baissant les yeux, rougissant de plus belle. Il le sentait, mais espérait que Will mette ça sur le compte du soleil. Ridicule espoir alors que l'ombre de l'arbre lui était bien plus que suffisante pour le protéger d'un coup de chaud.

Il avait prit la bouteille sans l'ouvrir, comme si on lui avait confié un cadeau précieux qu'il avait peur de briser. Mais, et ça le fit rougir encore plus, le regard de Will lui fit comprendre qu'il attendait qu'il boive. Attention de médecin, sans doute. Alors il dévissa la bouteille, et se surprit à finir la moitié de son contenu d'une traite.

Je vais bien, tu sais, lui dit-il finalement, en lui tendant la bouteille. Mais il regretta presque aussitôt de le lui avoir dit. Si Will était convaincu qu'il allait vraiment mieux, il pourrait sans doute le congédier. Hors, se sentir bien en la compagnie de quelqu'un lui était relativement inédit et il se surprenait à vouloir prolonger ce moment.

En outre, Nico n'était de toutes façons pas parfaitement bien, encore en convalescence après avoir fait autant d'effort de l'Europe jusqu'à l'Amérique il y a quelques jours. Tant mieux. Ca aussi, il se surprenait à le penser.

Will... commença-t-il alors qu'un élan de courage lui venait pour poser une question qui le taraudait. Malheureusement pour lui, ce courage disparut aussitôt. Mais il avait déjà commencé, et Will attendait certainement sa question à présent.

C'est donc en continuant à rougir qu'il se força à poser la question. Pourquoi ça t'a autant contrarié ? Demanda-t-il en fuyant son regard, les yeux rivés vers ses bandages bancals. Que je ne sois pas venu te voir ? Après ce que j'ai fait à Octave je pensais que tu... enfin... que t'aurais eu peur de moi. Ou pire, je suppose.

Il tata sa langue contre son palet. Il aurait bien repris une gorgée d'eau finalement, comme si l'appréhension de la réponse l'avait soudainement bien plus asséché que le soleil ne puisse le faire derrière l'ombre de l'arbre.

La plupart des gens sont inconfortables avec moi quand j'utilise mes pouvoirs, avoua-t-il. Je leur fais peur. Essayait-il de se rassurer en obtenant de Will l'aveu que lui n'avait pas peur de lui ? Sans doute. Pour une fois aimerait-il évoquer autre chose que de l'inconfort chez quelqu'un. Car il n'était pas dupe : bien que Percy, ou Jason, ou l'un des demi-dieux de l'Argo II avaient accepté Nico comme ami, ils avaient tous été inconfortables en la compagnie du sombre fils des Enfers. Il s'était davantage accomodé à cette norme là qu'à celle d'un garçon, aussi rayonnant que Will de surcroit, dérangé plutôt par son absence.

Il avait terminé la bouteille avec simplement quelques gorgées supplémentaires, avant de tourner un regard désarçonné vers Will qui lui avait répondu comme si son geste était juste... banal. Dans la spontanéité si belle du fils d'Apollon, il ne se rendait même pas compte de la beauté de son geste, à quel point il avait rendu une simple bouteille d'eau aussi touchante. Et alors que son regard s'était glissé vers lui, continuant à lui parler, la délicatesse du spectacle semblait hypnotiser Nico.

Tout avait l'air d'une simplicité magnifique avec Will. Jamais Nico ne prenait le temps de s'allonger dans l'herbe juste parce que c'était agréable. Les cheveux blonds semblaient dorer sous le soleil, les yeux bleus devenaient de l'azur, et tout l'atmosphère semblait tournoyer autout de lui, jusqu'à cette petite coccinelle qui semblait jouer avec lui. Nico se sentit hurler dans ses pensées à quel point Will était profondémment beau et pas simplement avec la délicatesse de son visage dessiné par les dieux : aussi et surtout parce que Will était criant de vie, et jamais Nico n'avait trouvé ça aussi magnifique auparavant.

Vivre dans la même bulle que Will Solace était soudainement si agréable.

Ce qu'il lui disait avait de quoi le retourner aussi. Il ne savait pas si ça le bouleversait positivement ou négativement... peut être un peu des deux. Will remuait un flot d'émotions en lui, dont celles certainement refoulées. Qu'il l'ait remarqué dans sa distance, qu'il ne lui ai jamais porté rigueur pour Octave... qu'il se souvienne de lui aussi loin en arrière.

A la mention de l'enfant qu'il avait été, son regard s'éloigna, tournant la tête à l'opposé, presque contrarié. Non, c'est un jeu stupide, répondit-il concernant les cartes qu'il adorait tant quand il était petit. Avant de réaliser que les dieux existaient, il les idolatraient comme des super-héros avec ce jeu. En réalité, les dieux n'avaient rien été de ce qu'il avait pensé d'eux.

Il ramena ses jambes contre son torse et les entoura de ses bras. Will avait eu le don de toucher Nico là où ça remuait le plus en plus, et il se sentait beaucoup plus vulnérable à cet instant. Ce qu'il ressentait à la mention des mots qu'il posait sur lui tenait plus de la tristesse qu'autre chose mais, au fond, elle lui était agréable : c'est comme si pour une fois, en sa compagnie, il pouvait se permettre de ne plus être fort en permanance et pouvait enfin lacher du leste, laisser Will être fort et souffler un peu pour ressentir ce qu'il devait ressentir quand bien même c'était terrifiant.

Will, quand je suis arrivé dans cette époque, je ne savais même pas ce que ma mère était devenue, se décida-t-il à s'ouvrir quand il lui parla de lui même et des problèmes qu'il a pour s'ouvrir aux autres. Ce qu'il s'apprétait à dire était terriblement personnel et jamais il n'avait vraiment verbalisé cette souffrance mais étrangement, ça ne le dérangeait pas de le partager avec lui. Bien qu'il avait toujours le regard devié en parlant. Je pensais rencontrer des amis, des super-héros, et en à peine deux heures j'ai rencontré une déesse qui a tout de suite fait comprendre à ma soeur qu'elle n'avait rien à faire avec moi et qu'elle pouvait me laisser sans s'inquiéter pour moi.

La voix de Nico se brisa un peu. Je n'avais plus que Bianca, et Artémis s'est dit que c'était déjà bien plus que ce que je méritais. Et Bianca a été d'accord. J'avais dix ans, Will.

Il serra un peu plus ses jambes avec ses bras alors que ses yeux rougissaient. Il ne s'était jamais autant confié, il n'était plus très sur de vouloir que Will sache une aussi profonde vérité sur ses sentiments, que personne n'a su avant. Que personne n'a pris le temps de savoir avant.

J'étais pas comme ça avant. Je ne demandais qu'à être amis avec tous ces héros qui me fascinaient et devenir l'un d'eux. J'avais seulement dix ans et les dieux étaient divisés en deux uniques catégories à mon sujet : ceux qui voulaient ma mort, et ceux qui voulaient qu'on m'oublie. C'est tout. Ce que t'a dit ta mère à propos de la présence des gens, et bien tout le monde est parti du principe que la mienne était un problème avant même que je ne le pense.

Il renifla, et ne réalisa qu'à cet instant qu'il était en train de pleurer. C'était de petites larmes, discrètes, simplement celles qui s'étaient échappées de ses yeux humides. Pour ça, il refusa d'autant plus de se tourner vers Will, trop embarassé à l'idée de s'être autant mis à nu. Dans sa veste d'aviateur, Nico avait trop chaud sous le soleil, mais il s'y enfonçait un peu plus, ignorant la désagréable transpiration qui commençait à perler sur sa peau, y trouvant une carapace à laquelle se raccrocher pour le moment.

Mais les paroles de Will le prirent par surprise quand il lui avoua qu'il pensait qu'ils s'étaient tous les deux rapprochés au point de... "bien s'aimer". Nico en eut aussitôt les joues rouges. La solitude lui a été imposée à un âge où il n'en avait pas envie, et finalement elle avait été sa meilleure alliée contre autant de personnes qui le faisaient autant souffrir. Mais Will... oui, Nico se mentirait s'il disait qu'il ne ressentait rien pour lui et pour les moments qu'il avait avec lui. Rien que ces dernières secondes à s'ouvrir et à pleurer l'avait rendu plus léger de nombreuses années de souffrances étouffées.

Il n'arrivait juste pas à croire que Will l'aimait bien lui. Et s'il n'arrivait pas à le croire, c'est qu'il ne le comprenait pas vraiment. Il avait encore envie de lui demander la même chose, pourquoi, mais il avait déjà posé cette question, et il tournait en rond. Il voulait lui dire qu'il ne marchait pas, et qu'il n'osait pas y croire de peur de se faire une fausse idée, mais la vérité c'est qu'à cet instant, si Will confirmait les craintes de Nico et qu'il mentait pour s'éloigner de lui, la douleur qu'il sentirait serait particulièrement amère. Il ne comprenait pas, mais ça l'avait profondément fait plaisir.

Il baissa à nouveau les yeux. Moi aussi je t'aime Will, avoua-t-il d'une voix encore brisée par les larmes récentes. Puis il sursauta en réalisant le lapsus qu'il venait de faire, et cette fois-ci il était si rouge qu'il était impossible pour qui que ce soit de croire que c'était à cause du soleil. Je t'aime bien ! Je voulais dire que je t'aime bien !

Définitivement embarassé, il se réfugia dans sa veste dont la chaleur l'étouffait et tourna à nouveau la tête au plus loin qu'il le pouvait de Will.

Et, dans la force solaire de ce garçon si surprenant, Will parvint encore à le surprendre, encore une fois, dans cette énergie si vive qu'il incarnait et qui fascinait autant Nico. Tu... veux que je mange avec vous ? Bafoua-t-il. Mais on n'a pas le droit... je n'ai pas faim de toutes façons.

C'était faux, il avait définitivement faim. Mais Will avait décelé une autre vérité de Nico : la solitude de la table d'Hadès le pesait presque autant que son bungalow. Il regrettait qu'Hazel soit partie, il était contraint de dormir seul et de subir, à l'heure du repas, la même solitude mais à la vue de tous, comme la bête de foire d'Hadès qu'il était. De plus, Nico était un expert pour ce qui était de ne pas manger quand il le fallait, noyant ses soucis dans cette faim constante.

Il tourna un regard timide vers Will. Tu penses vraiment que je peux manger avec toi ?

Dieux que cette veste était étouffante. Mais après s'être autant embarassé, et surtout autant ouvert à Will, il avait besoin de se sentir bel et bien habillé, détestant mettre à nu ses bras. Peut être que Will prendrait ses larmes pour de la transpiration au pire, bien que ce soit peu probable.

Jamais pleurer ne lui a été agréable. En fait, jamais Nico ne s'autorisait à pleurer. Le monde l'avait déjà tant enfoncé dans ses faiblesses qu'il ne pouvait pas se permettre de pleurer ou sinon il n'aurait plus aucun pied dans sa réalité. Et pourtant, aujourd'hui, pleurer dans les bras de Will Solace a sans doute été le sentiment le plus doux qu'il ait connu depuis 1924.

Il avait sursauté, au début, en sentant les bras du fils d'Apollon autour de lui. Personne ne se serait permis de faire ça, même Jason qui était devenu son ami avait attendu d'avoir sa permission exceptionnelle après la guerre pour le serrer dans ses bras. Nico n'était pas le plus à l'aise avec le contact physique et il aurait tué pour moins qu'un calin, surtout pour un calin venu sans prévenir. Mais à cet instant, c'était différent. Pour la première fois depuis toujours, Nico venait de partager un secret à Will sur l'origine de tout ce qui lui faisait du mal, et son mur s'était brisé pour se laisser pleurer. Alors quand Will osa le prendre dans ses bras, malgré le sursaut du début, Nico s'y abandonna presque tout seul. La présence de Will tout autour de lui avait été réconfortante, comme s'il se proposait, cette fois, d'être le mur protecteur de Nico plutôt que de le laisser rester fort en permanence. Dans les bras de Will, les petites ailes de squelette s'était mis à battre doucement.

Les larmes que Nico avait eu besoin de laisser sortir prirent leur temps, alors que le fils d'Hadès se lovait contre Will le temps que ça passe. Puis, au bout d'un moment, Nico réalisa qu'il se sentait soudainement beaucoup plus léger. Il osa enfin regarder Will dans les yeux alors qu'il recula pour le libérer. Le lapsus qu'il lui avait dit alors avait tellement embarassé Nico, plus rouge encore qu'un soleil, qu'il avait à nouveau fuit son regard mais la réponse du fils d'Apollon avait remué quelque chose dans son ventre. Il ne sut pas quoi répondre, comme pour ne pas laisser les mots de Will s'effacer par ses propres paroles, précieux petits mots qu'il avait envie de garder autour de lui.

A la place, le rire magnifique de Will habilla l'ambiance. Ce son aussi, Nico s'était surpris à l'apprécier. Le rire d'un Will à l'opposé de ce qu'était Nico : chalereux et souriant. Et terriblement réconfortant.

Il écouta alors son plan pour convaincre Chiron de le laisser manger à la table des Apollon, et cette fois-ci, c'est Nico qui se mit à rire, amusé par l'inventivité de Will. Nico se réalisa pas le miracle qui venait de se produire : c'était sans doute la première fois depuis près de 8 ans que Nico s'était mis à rire, ouvertement, sincèrement. Will n'avait lui même jamais entendu ce rire.

Nico ne s'en rendit pas compte mais c'était sans doute encore mieux comme ça, qu'il se laisse enfin rire, à présent libéré du fardeau qu'il retenait en lui et libéré d'un torrent de larmes qu'il portait depuis qu'il avait dix ans. Nico pouvait simplement rire sans y repenser, sans avoir honte de le faire, avec le garçon qui avait réussi le miracle de l'apaiser.

En réalité, Nico n'avait aucun doute quant au fait que jamais Chiron ne tomberait dans le panneau, quand bien même ils executent à merveille son plan. Il entrainait des héros depuis l'Antiquité et avait déjà dû tout voir. Un sage de sa trempe ne se ferait jamais duper de la sorte. Mais Nico ne le lui dit pas, il n'avait pas envie de freiner Will dans ce qu'il avait prévu pour eux deux. Et il se disait que même si Chiron comprendrait leur mensonge, il les laisserait faire malgré tout. Chiron n'était pas dupe, mais il était bon aussi.

Tu es fou, Solace, commenta-t-il dans le même rire. D'accord, on peut essayer.

Nico baissa les yeux vers le peu de bandelettes qu'il avait tissé. Il n'avait pas beaucoup avancé, et le peu qu'il avait réalisé était terriblement mal fait. Mais comme il l'avait prédit, Will en avait fait bien assez tout seul. Désolé, je doute que tu puisse te servir de ces bandes là, souligna-t-il alors.

L'été, le soleil se couchait si tard que Nico n'avait même pas vu que le soir arriverait bientôt ainsi que l'heure du diner au pavillon-refectoire, et donc du fameux plan douteux mais terriblement adorable de Will. J'aimerais me doucher avant d'aller manger, j'ai un peu transpiré, admit-il alors. Il regarda les bras de Will, humides à cause de ça depuis qu'il l'avait serré contre lui. Pardon, s'excusa-t-il avant de prendre ses bandelettes  mal faites.

Il posa les mains sur les bras de Will et se servit du tissu pour l'essuyer autant qu'il le pouvait. C'était un autre moment d'une proximité surprenante et nouvelle pour Nico, et les petits papillons squelettiques qui s'agitaient dans son ventre semblait s'affoler alors qu'il avait les yeux de Will tout près de lui.

Avant de rentrer dans son bungalow et interrompre ce moment en s'éloignant de lui, Nico prit son courage à deux mains pour s'ouvrir encore une fois. Merci, Will de.. enfin pour... je... j'ai jamais dit tout ça à quelqu'un, parvint-il à dire alors. Je serais sans doute plus doué à t'aider sur le champs de bataille plutôt que de te réconforter aussi bien que tu l'as fait pour moi, je suis nul avec les autres, et je m'excuse pour ça, mais ça m'a vraiment fait plaisir.

Le morceau de tissu dans la main, il se leva alors, puisqu'il lui fallait rentrer dans son bungalow pour se préparer pour le diner à présent. Mais il termina d'abord. Je sais que tu doute être un grand héros, mais sache qu'aucun héros n'a jamais réussi à me réconforter comme toi. Pour moi, tu es le seul vrai héros qui compte Solace, admit-il, à nouveau au prix d'un grand courage pour ne pas se défiler et avouer une part de ce qu'il ressentait.

Il le regardait un instant, et, à vrai dire, Nico avait eu envie de se rapprocher et de le prendre à son tour dans ses bras. L'idée de l'embrasser sur la joue lui traversa aussi l'esprit, et cette simple pensée lui fit rougir à nouveau. Mais il n'osa pas : à la place, il paniqua, effrayé d'avoir eu cette idée. L'ancien Nico qui fuyait quand il pensait ne pas avoir sa place refit surface alors, croyant en vouloir beaucoup trop qu'il n'en aurait réellement le droit.

Je... je vais aller me doucher. A tout à l'heure, bafoua-t-il avant de reculer sur quelques pas et tourner les talons.

Il trouva refuge rapidement dans le bungalow d'Hadès. Il n'aimait pas ce bungalow, qui était grand et froid, et... vide. C'était justement pour ça qu'il l'avait apprécié, nullement dérangé par le regard des autres, auparavant, mais ces derniers jours avaient manifestement changé la donne. Entre Hazel qui lui avait tenu compagnie ces deux derniers jours, et la récente présence si proche et intime de Will contre lui... la solitude du bungalow lui semblait soudainement pesante.

Etonnament donc, Nico se doucha très rapidement, manifestement pressé de revoir Will. Même s'il commençait surtout à s'angoisser de ce qu'il avait ressenti aux dernières minutes de leur échange. Alors il se tint un instant devant la statue de son père, présence qu'il n'avait jamais non plus trop apprécié par ailleurs. Mais cette fois-ci, il osa lui parler, pour une fois, et malgré toute la colère qu'il avait pour lui.

Je ne te demande jamais rien. S'il te plait, je n'ai pas envie d'aimer quelqu'un d'autre. Pas si c'est vain. C'est trop douloureux, implora-t-il alors.

La dernière chose dont il avait envie, c'était de succomber aux charmes de Will et que celui-ci s'avère aussi innaccessible que Percy à l'époque où il l'avait aimé lui aussi. Will était si... agréable et réconfortant. Et Nico, lui, ne se sentait jamais légitime, alors il n'avait que le reflexe de penser que cette soudaine envie de se rapprocher de lui, cette soudaine envie de l'avoir dans ses bras ou de l'embrasser était vaine, trop demandé, née d'un faux espoir fatal.

Il se tourna après un instant, et regarda sa veste accrochée au porte-manteau. Il tendit une main vers elle mais s'arrêta dans son geste. Peut-être que ce soir, il pourrait sans passer. Parce qu'il faisait trop chaud pour un tel vêtement et parce qu'il se sentait sans doute bien plus à l'aise depuis ce premier après-midi avec Will.

Il y renonça alors, et osa sortir de son bungalow en t-shirt. C'était un t-shirt de la colonie mais au lieu d'être orange et de représentait un pégase, il était noir et avait le squelette d'un pégase. Mais surtout ses bras pales étaient à l'air libre et, à l'approche du pavillon refectoire, il regretta amèrement cette décision.

Alors que tous les pensionnaires arrivaient, Nico se sentait terriblement nu et mal à l'aise à l'idée d'être simplement en t-shirt. Il croisa les bras qu'il serra contre lui, ce qui ne les cachait pas du tout. Cripsé et gêné, il ne savait en plus pas où aller, n'osant pas s'asseoir chez les Apollon sans Will pour l'excuse qu'il offrirait à Chiron, et n'osant pas non plus s'asseoir à la table d'Hadès où il y serait seul et entièrement exposé au regard des autres.

Se mordant fortement l'intérieur des joues, il resta à l'écart, cherchant Will du regard, dans l'espoir qu'il arrive vite.