The Shire is burning - Eddie

Devoir se retrouver en charge de la sécurité d'adolescents n'est pas une première pour Steve. Fort de nombreuses expériences où il a dû aider à plusieurs reprises les nombreux élèves du manoir à s'en sortir in-extremis dans des missions où ils auraient pourtant dû y rester - lui y compris. Être un mutant en plus d'un rat de laboratoire de surcroît n'est pas tous les jours facile, notamment lorsque plusieurs gouvernements veulent mettre la main sur vous pour nourrir leurs sombres desseins. Steve a eu plusieurs fois l'occasion de rejoindre les X-Men, mais a toujours refusé leur proposition, refusant d'abandonner les plus jeunes que lui au manoir. Hawkins n'était rien d'un endroit sûr, piégé entre des agences gouvernementales de tous les côtés. De plus, il refusait de quitter le Manoir, le seul foyer qu'il ait jamais connu.

Aujourd'hui, le manoir n'est plus, mais le danger est toujours aussi présent. Si l'état soviétique a disparu et que le Laboratoire d'Hawkins n'a jamais existé, Steve connaît assez la nature humaine pour savoir que ce genre de choses peut se reproduire en tout instant. Si les adolescents sous sa protection sont différents de ceux de son monde originel, ils n'en demeurent pas moins vulnérables à la cruauté humaine et à ceux qui voudraient profiter de leur potentiel - ou les voir mort pour leur différence. Il s'est juré qu'un programme tel que celui des Sentinelles ne verrait jamais le jour ici.

Steve sait avant tout que beaucoup de ces adolescents n'ont aucun contrôle sur leurs pouvoirs. Lui aussi est passé par là, mais a eu la chance d'avoir des adultes pour le guider et le réconforter dans son apprentissage. C'est à son tour d'offrir ces conseils, et cette protection. Voilà pourquoi il s'est mis en tête de trouver un endroit aussi reculé et discret que possible, tout en étant défendable en cas de besoin. Si la banlieue Sud n'a pas sa préférence au vu des rumeurs qui l'entoure et des dangers qui la gangrène, il est évident que c'est là que se trouvent le plus grand nombre d'endroits abandonnés.

C'est dans l'un d'eux que Steve s'est rendu ce soir, souhaitant vérifier l'état et la stabilité des lieux. Armé d'une lampe torche, il s'improvise un chemin parmi les plantes envahissantes, parvenant sans mal à se faufiler à travers l'une des fenêtres cassés du premier étage. A première vue, c'est un vieil hôtel à l'abandon, l'un de ceux construit à une époque où l'on pensait encore pouvoir relancer l'économie et le tourisme dans un quartier pourtant à la dérive. Les murs sont encore revêtus d'un papier peint gris délavé - peut-être blanc avant que le temps et la météo n'ait raison de la beauté éclatante des lieux. De nombreux objets et mobiliers encombrent les lieux, et Steve décide de s'enfoncer un peu plus vers le centre, là où, apparemment, se trouvent un restaurant et une salle à manger dans un état plus que respectable. En outre, ici, la nature ne semble pas encore avoir repris tous ses droits, et le toit tient encore en place, empêchant la pluie de s'infiltrer.

Un bruit sur sa droite le fait sursauter, la lampe torche tombant au sol sous la surprise. De peur, de nombreux objets, tel qu'un tableau encore difficilement accroché au mur, viennent eux aussi s'écraser au sol sous les chocs télékinétiques de Steve. Le coeur palpitant à tout rompre, il scrute l'horizon, s'attendant à voir une Sentinelle s'extirper de la pénombre pour foncer sur lui à tout rompre. La faute à des années de traumatisme qui ne disparaîtront jamais vraiment, même en sécurité dans un nouveau monde.

Un léger 'aïe' l'interpelle. Une voix humaine, bien trop humaine. Derechef, Steve s'empare de la lampe torche toujours au sol, et la braque en direction du bruit suspect, le flot de lumière laissant apparaître un visage des plus familiers : un metalhead qu'il pensait disparu avec le reste de leurs univers tout entier.

Eddie ?! c'est la surprise qui se lit dans sa voix, bien que celle-ci soit teintée d'une légère euphorie. Des semaines entières qu'il recherche des personnes de son univers, sans succès. Et voilà Eddie, en chair et en os, réduit à l'état de fugitif dans un vieil hôtel délabré. Celui-ci se masse la tête après avoir reçu un tableau en plein sur le crâne, dû aux ondes télékinétiques de Steve quelques minutes plus tôt, ce qui le fait grimacer de culpabilité. Il espère sincèrement qu'Eddie est bien réveillé et non pas toujours maudit, sinon cela risque d'être une conversation intéressante.

J'peux savoir c'que tu fous là ? Aux dernières nouvelles, les Sentinelles ne sont plus, et la chasse aux mutants de leur univers commun n'a plus lieu d'être. Que peut donc bien faire Eddie, caché là comme un vulgaire délinquant ? Cependant, pour seul réponse, Steve se fait bombarder de plein fouet par le metalhead, ce dernier étant, à priori, des plus heureux de le retrouver. Le mutant ne peut lui en vouloir, s'il a passé des jours entiers ici, entièrement seul, cela doit faire un bien fou de voir un visage familier.

Music starts playing : AC/DC - Back In Black

Back in black
I hit the sack
I've been too long, I'm glad to be back
Yes, I'm let loose
From the noose
That's kept me hanging about
I've been looking at the sky
'Cause it's gettin' me high
Forget the hearse 'cause I never die
I got nine lives
Cat's eyes
Abusin' every one of them and running wild

Alors qu'il allait entamer le refrain, Eddie jeta plus loin la bouteille de Jack Daniels qui se brisa au coin de la pièce sans qu'il ne s'en préoccupe. Non, Eddie n'avait évidemment pas terminé à lui tout seul la bouteille : il n'en restait que la moitié quand il l'avait trouvé, et cet hotel était abandonné de toutes façons. Si cette bouteille de whisky était destinée à quelqu'un en particulier il aurait fallut partir avec en abandonnant cet hotel. Et puisque cette ile avait été créée de toutes pièces à la destructions de leurs univers, comme il l'avait entendu de la bouche des deux voyageurs du temps complètement lunaire qu'il avait espionné, il y avait même de fortes chances que cet hotel, et cette pauvre bouteille de whisky, aient été créées directement abandonnées.

Il n'y avait donc aucun problème à ce qu'Eddie participe au vidage de l'établissement, tout en utilisant ce vieux jukebox au son déraillé mais suffisament satisfaisant pour diffuser le métal qu'Eddie adorait : Baiame le faisait voyager dans le futur mais il était content de voir que même au 21ème siècle on écoutait toujours les bons classiques.

On tuait l'ennui comme on pouvait, après tout. Lorsque Edward était redevenu lui même, et qu'il avait réussi à assembler toutes les pièces du puzzle quant à sa présence ici (monde détruit et tant mieux, malédiction, Baiame, voyages dans le temps...) il avait réalisé que le destin aussi tordu soit-il ne l'avait pas sauvé en déchirant un univers qui ne voulait plus de lui : l'univers s'était juste effondré contre son gré et une force plus grande en avait sauvé le maximum. Ce qui voulait dire qu'Eddie avait eu la chance d'en réchapper, peut-être qu'il était le seul, ou peut-être que ce tordu de One ou ces maudites Sentinelles étaient arrivées ici aussi.

Eddie n'avait donc pas fini sa planque. Il était assez adepte de comics et de films pour savoir que s'il baissait sa garde, pensant que toutes les menaces étaient écartées, c'était le meilleur moyen pour que tout lui revienne à la gueule. D'autant qu'il n'avait toujours pas la preuve que ce n'était pas le gouvernement de son pays qui cherchait à abattre tous les mutants qui n'avaient pas fini par effacer leur réalité. Et si c'était le cas, quand ils allaient comprendre qu'il était encore en vie, Eddie n'aurait pas beaucoup de portes de sortie sur cette ile qu'on ne pouvait pas quitter même par bateau. Alors il était plus malin, et il restait en planque.

S'il ne restait jamais vraiment au même endroit trop longtemps, cet hotel était assez chouette. Un immense batiment rien que pour lui avec encore une bonne partie qui n'était pas assez endommagée ou insalubre pour que ça soit dangereux, un calme qu'il devait à la réputation de la banlieue sud, et parfois quelques reliques interessants comme ces vieilles lunettes de soleil aux verres en forme de flamme, ce t-shirt de Bruce Springsteen, le jukebox qui avait quelques sons d'AC/DC et de Black Sabbath ou cette bouteille de whisky à moitié entamée.

Sauf que ce calme si rassurant se brisa lorsqu'il entendit quelqu'un arriver. Ses sens en alerte, il sauta sur le jukebox pour couper le son, de nouveau dans un silence complet ou presque : il entendait maintenant parfaitement une présence se balader dans le batiment. C'était exactement comme ça que les Sentinelles s'y prenaient.

Il se rendit dans le restaurant de l'hotel, restant discret derrière les meubles plongés dans le plus d'obscurité, alors que l'intru s'approchait davantage. Il était hors de question que la Sentinelle ne le repère, il fallait qu'Eddie l'identifie pour confirmer la menace avant de trouver une planque encore plus discrète.

Il se mordit la lèvre cependant lorsque son pied heurta un verre au sol, qui, dans le silence qui régnait, résonna horriblement dans tout l'hotel. Il fut cependant surpris lorsqu'il se sentit poussé contre le mur jusqu'à recevoir le coin d'un tableau qui tombait dans le crane.

Mais la voix qui s'adressa à lui chassa toute l'inquiétude de son corps et le rendit soudainement plus léger. Il ignora toutes les interrogations suivantes de Steve et se précipita à son cou.

Hahaha ! Stevie ! S'écria-t-il.

Cependant, pour s'assurer que c'était bien lui, Eddie lui pinça les poignées d'amour. Sentant de la véritable chaire sous ses doigts, il rigola encore de plus belle.

C'est vraiment toi ! Si heureux de le voir, Eddie plaqua ses deux mains sur le visage de Steve et l'embrassa vigoureusement l'espace d'une seconde avant de le lacher et se diriger derrière lui.

Où sont les autres, que j'embrasse Nancy, Robin et Jonathan aussi ! S'exclama-t-il avant de retourner son regard interrogatif vers Steve et comprendre qu'il était seul. Son entousiaste se calma d'un cran.

Tu les as pas retrouvé ? J'suis le premier que tu croise ? Il s'approcha d'un pas, penchant la tête tout près de la sienne et lui offrit un large sourire et un clin d'oeil. Ce doit être le destin, dit-il avant de lui taper les fesses. Eddie n'avait jamais nié l'attirance qu'il avait pour Steve et mieux : il était certain que c'était Steve qui niait la sienne pour Eddie. Ce qui le rendait sans doute un peu plus craquant.

Eddie se redressa et ramassa le verre qui avait trahi sa discrètion pour le lancer distraitement à l'autre bout du restaurant. Tu veux savoir ce que je fous là ? Qu'est-ce que toi tu ne fous pas là ? Il lui retourna un regard au plus sérieux qu'il puisse être. Te repose pas sur tes lauriers princesse, si on est arrivé sur cette ile complètement détraquée, eux aussi ils ont pu.

Finalement il reprit son sourire, se rapprocha d'Eddie et lui passa un bras autour des épaules. Mais bonne nouvelle : les gens civilisés écoutent toujours du métal. Alors, ça te dit d'emménager avec moi ? Lui dit-il à nouveau cynique en lui offrant un autre grand sourire.

Eddie a toujours été du genre tactile. Parfois un peu trop au goût de Steve, qui se fige sous les doigts un peu trop curieux et baladeurs de celui-ci. Dès leur première rencontre déjà, Eddie avait pris un malin plaisir à pénétrer la bulle privée de Steve, s'y incrustant de force sans même demander son avis. Et depuis, les tentatives de flirt n'arrêtent plus, Eddie semblant bien trop ravi de continuer à jouer le jeu malgré les réticences du plus jeune.

Steve, quant à lui, a toujours prôné un visage des plus impassibles, n'affichant aucune émotion si ce n'est la confusion. Et c'est bien cette expression qui anime ses traits alors qu'Eddie lui saisit le visage avant de venir l'embrasser. Baiser des plus rapides qui n'empêche pourtant pas Steve de plisser les yeux et de contempler le vide l'air ahuri. Si au fond de lui, le mutant a apprécié ce baiser volé, il ne l'avouera jamais. Sentiments enfouis au plus profond, qu'il refuse même de laisser sortir. Il ne sait que trop bien ce qu'une émotion non contrôlée peut provoquer. La preuve en est, les ondes émotionnelles qui lui parviennent d'Eddie sont très puissantes, et s'il n'avait pas des années d'entraînement derrière lui, Steve aurait très probablement flanché sous le poids de leur force.

Il y a la peur, évidemment. Très puissante, elle envahit Eddie de toutes parts. La joie, également. L'euphorie de retrouver Steve, et de ne plus être seul. Mais également une émotion bien plus sous-jacente : le désir. Sous-jacente mais à jamais présente. Elle se mêle à une autre — l'amour. Et le télékinésiste a bien du mal à ignorer ces émotions contradictoires et pourtant si complémentaires. C'est perturbant, de voir ces mêmes sentiments être reflétés en Steve. Perturbant et terrifiant. Alors il fait ce qu'il a toujours fait de mieux: il préfère ne pas y penser.

La mention de leurs amis assombrit la mine de Steve, qui désespère de ne pas les savoir là, avec eux. Ils ont toujours formé une équipe, tous les cinq, au même titre que les plus jeunes. Une équipe de choc, malgré les nombreux désaccords et les disputes. Sans parler de la rupture chaotique entre Steve et Nancy, qui a jeté un froid au sein du groupe pendant plusieurs mois. Relation désastreuse dont ils préfèrent rire aujourd'hui. Du moins, c'était le cas avant que leur univers tout entier ne soit pris d'assaut par les Sentinelles et finissent par disparaître entièrement.

Non, ils ne sont pas là, qu'il confirme, l'air morose. Avant de trouver Eddie dans cet endroit, Steve a longtemps pensé qu'il ne les retrouverait jamais, condamné à ne plus jamais les revoir et à faire ainsi le deuil de ses amis. S'il n'a jamais perdu espoir, certains jours ont été plus difficiles que d'autres. Mais le sourire d'Eddie, flamboyant, est une preuve qu'il a eu raison de ne pas baisser les bras. Dans sa poitrine, son coeur s'emballe, réanimé par la présence et la joie contagieuse du jeune pyromane.

Malheureusement pour moi, tu es le premier que je croise, effectivement, qu'il rétorque, un brin sarcastique. Autant rentrer dans son jeu, sans pour autant affirmer quoique ce soit. Cela ne sert qu'à encourager Eddie, toutefois, qui lui tape les fesses sans aucune honte ou embarras. Une chaise s'écrase au sol sous la surprise de Steve, qui a beaucoup de mal à contenir ses pouvoirs sous le flirt incessant de son camarade. Cela risque de poser problème à la longue.

Princesse, vraiment ? Surnom qu'il n'apprécie guère, s'offusquant quelque peu en l'entendant. Il sait également pertinemment qu'Eddie continuera de l'utiliser, si ce n'est pour le titiller. J'ai bien conscience que les Sentinelles ont très bien nous suivre jusqu'ici ! Si sa voix s'élève quelque peu, c'est plus par frustration que par réelle colère. A l'instar d'Eddie, Steve a passé des jours entiers suivant son réveil à refuser de vouloir quitter son appartement, par peur d'être réduit en poussières. Jusqu'à présent, je n'en ai croisé aucune. Si tu veux mon point de vue, même si les Sentinelles ont atterri ici également, je pense qu'elles ont du fil à retordre avec ce dragon qui vient d'apparaître en ville. Et qu'elle n'a pas été sa surprise en voyant une telle créature surgir du sommet de la montagne, causant le chaos au même sein du lycée, alors que les élèves étaient soient apeurés, ou bien prenaient des vidéos sur leur téléphone portable.

Et je ne me repose pas sur mes lauriers. Si la menace des Sentinelles est toujours un risque, je préfère me focaliser sur les dangers de la nature humaine. Il y a des centaines d'adolescents qui compte sur moi pour les protéger actuellement. L'être humain reste la menace la plus dangereuse qui soit, et ce dans n'importe quel univers. Et ces adolescents, qu'ils soient mutants ou non, représentent une aubaine pour tout humain sans scrupule. Je n'ai aucune envie qu'ils finissent comme moi. Et le souvenir brûlant, horrifiant, de ces années au laboratoire continuent de le hanter encore aujourd'hui. Comme nous. Perçus comme des monstres et persécutés sans pitié.

C'était d'ailleurs le but de ma venue ici, avant de tomber sur ta présence divine. qu'il renchérit, le ton de sa voix bien plus chaleureuse cette fois, laissant Eddie passer ses bras autour de ses épaules comme de rien n'était. Emménager ici ? Vraiment ? Je crois que l'endroit a besoin d'un sérieux coup de peinture. Il laisse échapper un rire léger, sans pour autant se départir de son sérieux. Aussi charmante soit cette offre, j'ai une bien meilleure proposition. J'ai un appartement en centre-ville, et je suis certain que mon canapé est bien plus confortable que ce que les lits ici. Il jette un regard sous-entendu à Eddie, bien trop conscient de ce qui peut traverser l'esprit de ce dernier. Sur le canapé seulement, on est bien d'accord ?"

Finissant par se détacher d'Eddie, Steve observe attentivement ce dernier, constatant le manque de sommeil et la déshydratation plus qu'évidente visible sur les traits de son visage. Je suppose que l'eau courante ne fonctionne pas ici. Sans vouloir te vexer, tu empestes. Un peu d'honnêteté n'a jamais fait de mal, même si le sourire sarcastique de Steve laisse entendre qu'il n'est pas vraiment sérieux. Ouvrant son sac à dos, il y cherche de quoi boire, finissant par y trouver le Saint-Graal. Et l'alcool n'est pas une source d'hydratation miraculeuse, qu'il renchérit, balançant une bouteille d'eau fraîche en plein dans la tête d'Eddie. Laisse-moi au moins t'offrir à manger. Oui, Eddie va très probablement y voir là une tentative de flirt, et considérer ça comme un date. Non, Steve ne s'en vexe même pas. Au fond, c'est peut-être le cas. Promis, il y aura de la bonne musique. Et aucune Sentinelle.

Eddie avait été un peu piqué de comprendre qu'ils n'étaient plus que tous les deux de leur groupe pourtant si grand, bien sur. Les autres aussi avaient été là pour lui et il avait fini par apprécier cette bande de dégénérés comme des meilleurs amis (ou avec quelques affinités supplémentaires pour Steve). La chute du Multivers avait creusé un vide qu'il n'avait jamais vraiment ressenti auparavant. La solitude avait été une vieille amie, mais dont il avait oublié la saveur avec ces amis, et l'avoir à nouveau ne lui était pas des plus agréables, malgré les apparences qu'il se donnait dans ses planques.

Ceci dit, la perspective d'être seul avec Harrington ne le déplaisait pas non plus, s'il fallait être entièrement honnête. L'allure et l'attitude du mutant ne devrait pas laisser le temps à Eddie de se plonger dans quelconque tristesse qui ne le ressemblait pas de toutes façons.

Tu devrais pas déconner avec la prudence. Cette malédiction t'as bien rendu les souvenirs de ce qu'on a réussi contre les Sentinelles ? On a réussi que dalle, sermonna Eddie. Dragon ou pas, si les Sentinelles se réveillent, elles n'auront aucun mal à... comment ça un dragon ? Se coupa-t-il avec surprise en réalisant ce qu'ils venaient de dire. La grosse explosion de la dernière fois, c'était un dragon ? Bordel j'ai failli foutre le feu à toute la forêt en croyant qu'elles étaient arrivées.

Eddie s'était tellement isolé qu'il avait manqué le plus gros des nouvelles. Il savait de quoi il devait avoir l'air face à Steve mais il savait aussi qu'il avait toujours eu l'air de la même chose depuis toujours. Ca n'empéchait pas Steve d'être fou de lui, comme il s'en persuadait depuis des années.

Tu ne peux pas t'empêcher de jouer les héros hein ? Steve Harrington, sauveur de la veuve et de l'orphelin, dit-il sur un ton flatteur avec un petit sourire, le regardant comme s'il regardait un chevalier sur son cheval blanc quand il lui faisait part des jeunes dont il s'occupait. Xavier t'aurait adoré, dommage que t'aies jamais pu intégrer les X-Men, c'était plus fait pour toi que pour moi, conclut-il. J'aimerais bien te voir dans un de leur costume moulant de super-justicier, rajouta-t-il avec un clin d'oeil.

Il s'éloigna un peu de son cher Stevie pour se tourner vers le reste de l'hotel quand il lui parla de la piètre qualité du lieu - et de son hygiène. Je te trouve dur, c'est pas si mal ici. Y a de la bonne musique, et de quoi boire, lui dit-il avec le sourire provocateur qu'il avait toujours.

Et je te signale que la douche extérieure du camping de la banlieue me suffit amplement pour mon hygiène. Si tu veux une preuve, j'ai qu'à te la montrer, termina-t-il évidemment.

Il se tourna vivement vers lui quand il lui offrit son appartement (il n'entendit pas la partie canapé, il ne comprit que la phrase "emménage avec moi" qu'il n'avait pourtant pas prononcé). Et pourtant, Eddie savait que c'était terriblement imprudent. Même si Steve avait l'air de s'en ficher, les Sentinelles auraient tout le loisir de les cueillir au beau milieu du confort d'un appartement en pleine ville.

Mais il eut à peine le temps d'en placer une pour riposter, que Steve continua à l'amadouer en lui parlant de nourriture et de musique. Eddie soupira avant de lui passer à nouveau son bras autour des épaules. D'accord d'accord, tu m'as convaincu à la seconde où tu m'as proposé ta chambre.

Ce que Steve n'avait jamais dit.

Et moi qui pensait devoir être jaloux de Johnattan Byers mais finalement c'est à moi à qui tu demandes d'emménager avec toi, c'est que j'en tomberais encore plus amoureux, coquin va, rajouta-t-il en écoutant à peine les ripostes.

Il fit cependant une petite moue. Il peut quand même y avoir du bon alcool, dans ce plan là ? Quitte à vivre au milieu des Sentinelles prêtes à nous zigouiller, autant vivre le risque à fond, non ? Suggéra-t-il en indiquant le bar d'un mouvement de tête.

Oui, un dragon. Tout droit surgi de la montagne., explique-t-il, d'un ton quelque peu blasé. Si Steve n'en revient toujours pas d'avoir aperçu une telle créature en chair et en os, il se dit aussi qu'il a vu son lot d'excentricités dans son monde d'origine. Les mutants sont une chose exceptionnelle en soit, tous avec leur lot de capacités hors du commun, certains affichant également des anomalies génétiques plus qu'étranges. Même si depuis qu'il est arrivé dans cette ville, les aberrations semblent s'enchaîner. Cette île est étrange en bien des façons. Sans même parler du reptile volant en question, Steve est à moitié convaincu que l'une des élèves du lycée est une vampire. Il est également certain qu'une des journalistes du Daily Planet est une alien. I feel like I've seen this film before. Tout ça pour dire que plus rien ne l'étonne vraiment. Après tout, aux yeux de beaucoup, Eddie et lui représentent des anomalies - des abominations de la nature comme se plaisaient à scander les anti-mutants de leur univers d'origine.  

Tu es un véritable danger publique, tu le sais ça ? Steve se souvient encore de la fois où Eddie a failli mettre le feu au manoir sur un malentendu. Hopper ne lui a jamais pardonné un tel affront. Arrête, tu vas me faire rougir. Si la phrase est dite sur un ton sarcastique, le fait est que Steve est profondément affecté par de telles paroles. Mais il reste impassible, bien sûr. Et me voilà, moi preux chevalier, venu sauver la princesse Munson de son palais abandonné. Non, décidément, Steve n'est pas insensible aux charmes du pyromane, mais là encore, il se fait violence pour ne rien laisser paraître. Conceal, don't feel. Il s'estime heureux que ce ne soit pas Eddie qui ait hérité du pouvoir d'empathie, auquel cas il était foutu. Les tenues moulantes ne sont vraiment pas faites pour moi. Une grimace de dégoût vient se dessiner sur ses lèvres alors qu'il repense au mauvais goût évident des X-Men et de leur amour pour les justaucorps. Et puis j'avais bien trop à faire à Hawkins pour faire un détour à Boston. Même si les deux équipes en sont venus à coopérer plus d'une fois, Steve n'a jamais souhaité intégré leur boys-band.  

Non, ça ira, je veux bien te croire, rétorque-t-il en levant les yeux au ciel, n'ayant pas forcément envie de voir Eddie se dénuder devant lui juste pour prouver ses dires. Une partie de lui est curieux, c'est vrai, mais Steve est bien trop dans le déni pour même se l'avouer à lui-même, ou s'en rendre compte.

Mon canapé ! Steve insiste bien sur le mot, puisque, d'évidence, en plus d'être en cavale, Eddie semble avoir perdu en audition. Quelque peu excédé, il secoue son épaule, histoire de mettre de la distance entre le metalhead et lui, pas encore tout à fait à l'aise à l'idée d'être aussi proche physiquement. Jonathan ? Quoi ? Il lève un sourcil d'incompréhension, se demandant bien d'où Eddie peut tirer une telle conclusion, avant de secouer la tête et de passer à autre chose. Qui sait ce qui peut bien traverser l'esprit de ce dernier. (Steve n'est en rien télépathe, mais il peut aisément ce qui traverse l'esprit d'Eddie, si ce qu'il ressent émotionnellement y est pour quelque chose. C'est horrifiant.)

Je t'achète tout l'alcool que tu veux si tu acceptes de quitter ce trou à rats. s'exclame-t-il, tout en lançant un regard plein de mépris aux alentours. Balançant une veste en jean récupéré au fond de son sac, il la balance une fois de plus sans ménagement à la tête d'Eddie. Un des avantages de la télékinésie : il sait toujours très bien viser. En pleine face, en l'occurrence. Histoire de passer un peu plus inaperçu. La tenue d'Eddie a de quoi attirer de nombreux regards, ce que Steve souhaite plus que tout éviter à cette heure si tardive. Les Sentinelles ne sont peut-être plus là, mais qui sait quel joyeux humain anti-abomination se trouve dans le coin. Et Steve en a croisé, des abrutis dans le genre, qui ne trouvent rien de mieux à faire que persécuter les gens qu'ils trouvent étranges, tous les marginaux qui ne rentrent pas dans leur définition de "normal". Raison de plus qui l'a poussé à s'investir autant auprès des plus jeunes.

Sans même attendre Eddie, Steve quitte les lieux, quelque peu ravi de respirer l'air frais de l'extérieur. Il sait déjà pertinemment qu'il ne remettra jamais les pieds dans un tel taudis. A vrai dire, maintenant qu'il y pense. Voyant la tête d'Eddie surgir de l'ombre et se rapprocher de lui, Steve n'hésite pas une seule seconde à puiser dans ses réserves d'énergie, envoyant une onde de choc vers les ruines de l'ancien hôtel, celui-ci s'effondrant sur lui-même, pour ne laisser qu'une pile géante de pierres et de briques. Ne me regarde pas comme ça, dit-il en voyant le regard désapprobateur et surpris d'Eddie. Aucun risque de preuve comme ça. Et de toute manière, le bâtiment risquait de s'effondrer d'un moment à un autre. Une chance qu'il ne te soit rien arrivé. Et sans se départir de son sourire, Steve rejoint sa voiture, prenant place côté conducteur.

Bon, tu veux manger quoi ? balance-t-il, apercevant du coin de l'oeil Eddie s'amuser avec la radio. Sans doute histoire de trouver une chanson de rock bien typique des années 80. Malheureusement pour lui, il faut croire qu'à cette heure tardive, il n'y avait que des rediffusions de Taylor Swift ou de la pop moderne. Je peux te proposer pizza ou mcdo. Avec une bière. On verra demain pour te mettre à la diète. Nulle doute qu'Eddie n'allait pas apprécier les habitudes alimentaires de Steve, très attaché à sa ligne. Mais pour ce soir, il peut bien se permettre un excès. Mettant son clignotant, il tourne à gauche, atterrissant sur rue adjacente au centre-ville, très animé en cette soirée -- et très loin des airs maussades de la Banlieue Sud. Un changement radical pour le pyromane, sans nul doute. Reste dans la voiture pendant que je vais récupérer la commande ! le sermonne-t-il, avant de lui balancer son téléphone portable, tel un gosse que l'on souhaite divertir le plus rapidement possible histoire d'avoir la paix. Tiens, occupe-toi avec ça en attendant. Une des merveilles du 21ème siècle. Et pour un adolescent n'ayant connu que la technologie poussiéreuse des années 80, cela avait tout d'un appareil extraterrestre.